Voyages de Phileas Fogg

« Marseille (...) c’est la réunion de toutes les couleurs de la terre. »

Vieux Port de Marseille

Marseille, porte de l’Orient, porte de la lumière

Marseillais« Tous les chemins mènent à Venise. Les plus fréquentées par les pélerins, les plus agréables et les plus faciles sont, parait-il, ceux qui traversent, en empruntant des voies souterraines, le fameux Mont-Cenis ou le Simplon. C’est pour cela, sans doute, que je m’y rends par Marseille ! Les gens pour qui le temps n’équivaut pas à de l’argent, la rejoindraient, d’ailleurs, aussi bien par le Cap de Bonne-Espérance. Moi, je me contente de Marseille.
A Marseille, je me suis arrêté. On s’arrête toujours à Marseille, lorsqu’on y passe. Les indigènes invoquent, pour justifier le fait, les irrésistibles attraits de la Cannebière, la perspective du vieux port, les fresques de Puvis de Chavannes, et l’excellence du poisson méditerranéen. Des esprits plus scientifiques signalent que Marseille est un endroit où l’on quitte le train pour prendre le paquebot, sinon le paquebot pour prendre le train, opération qui justifie amplement un arrêt dans la ville.
Ce ne peut être tout. Il doit y avoir autre chose… Tous les visiteurs de l’imposante ville des Phocéens ne sont pas caravaniers, ni simplement explorateurs ; tous ne vont pas à la conquête d’insondables Orients, et certains d’entre eux rallient même Nice ou Monte-Carlo, tout bourgeoisement. Il y a autre chose… Il y a notamment ceci : que Marseille est un centre lumineux comme Paris est un centre intellectuel. La lumière se débite à Marseille, comme les eaux minérales se débitent à Vichy. Comparaison quantitative, car la lumière à Marseille, est pour rien. On ne la vend pas, on la donne. Il semble qu’un immense bazar de lumière s’y soit installé, un de ces bazars nomades qui liquident éternellement, et sur lesquels se rue la foule enfiévrée.
La lumière… J’ai déjà prononcé ces mots miraculeux dans le rapide qui m’emportait d’une course vertigineuse et souple, vers une nuit d’heure en heure plus bleuissante et plus limpide. Je les ai dits en voyant se lever sur les plaines arides de la Crau, et sur les marais de la Camargue, une chaude aurore du Midi, un ciel de printemps au cœur de l’hiver. Et ils chantaient sur mes lèvres tandis que je débarquais dans la gare animée et riante de Marseille, ce Marseille vivant et grouillant de fièvre, mais de fièvre saine, d’ardeur vigoureuse et de sonore activité. Marseille, porte de l’Orient, porte de la lumière !
Rue de MarseilleMarseille, un monde de lumières… Ce n’est pas la monstrueuse immensité de Londres ; ce n’est pas le fourmillement luxueux de Paris ; c’est la réunion de toutes les couleurs de la terre, de tous les parfums qu’amènent les contrées inconnues… La plantureuse richesse du négoce y coudoie une populace animée et joyeuse. Des coins de ruelles, en pleine ville, adossées aux grandes artères, donnant la sensation de labyrinthes orientaux, avec leur humanité qui lézarde, leurs marchandes de fleurs et de fruits sous les tentes effiloquées, et leur marmaille à demi-nue, aux épaules bronzées, qui se barbouille de poussière d’or. D’autres tableaux évoquent quelque Carnaval de Séville, par leur bariolage, leur envolée de rouge vif, de bleu cru, de jaune clair, ce fantastique décor d’une population venue de partout, d’au delà des mers et des Alpes, avec ses hardes nationales qui chatoyent sous une pluie de cadmium. Des Arabes mettent sous l’atmosphère en feu la souplesse blanche de leur burnous, des Mauresques font briller leurs larges anneaux d’or, des Juifs algériens coupent les trottoirs des reflets de leurs culottes bouffantes, des nègres trainent leurs haillons pittoresques, et il y a, dans ce peuple baroque, amené par les quatre vents du ciel, une étrange et saisissante couleur d’imprévu qui éblouit et qui frappe.
Par-dessus cette foule sans cesse, comme une marée, la formidable rumeur d’une vie bouillante, gonflée de soleil comme les choses. L’habitant éthique des villes d’art et de luxe se sent enivré de cette houle de force, ce remous d’agitation et de paroxysmes. Ses yeux s’éblouissent, son cœur se gonfle, un sang plus allègre et plus chaud circule dans ses veines, il voit et il comprend enfin la vie d’une façon toute nouvelle. Il la voit en lumière…
La lumière !... Elle persiste ici jusque dans les soirs, ces beaux soirs de la Méditerranée qui émeuvent si profondément les artistes, qui attendrissent si singulièrement les pensifs. Soirs merveilleux de mélancolie et de profond mystère. La mer, alors, est un lac de légende où s’épousent des nuances fragiles, des teintes lithographiques infiniment douces, descendues du ciel transparent. Dans un lointain et suprême rougeoiement de soleil, les ‘îles’ se profilent en gris bleuté, et l’ombre légère qui vient du large continue de porter en elle des caresses de lumière, qui vous effleurent dans le silence.
Je sais très bien pourquoi c’est par Marseille que je vais à Venise… »

Henry Kistemaeckers, éditeur belge, 1912

Vues de Marseille
Publicité Vintage Ascenseurs Notre-Dame de la Garde, Marseille

Visitez Marseille !

    Marseille
    Marseille en quelques brochures touristiques vantant les beautés de la cité phocéenne.

Publicité vintageHôtel International, Vichy